Page 91 - World of Golf
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Il y eut des moments l’année dernière où Francesco Molinari fut invisible. Une humble mais implacable pépite, un super héros poli, charmant, accessible, qui parle en chuchotant puis, au moment où vous vous penchez pour entendre ce qu’il dit, vous arrache le cœur avant de rentrer chez lui l’air de rien pour retrouver les siens.
Il atomisa Rory McIlroy pour remporter le BMW PGA Championship à Wentworth en mai, puis s’imposa pour la première fois dans un tournoi du PGA Tour cinq semaines plus tard au Quicken Loans National à Potomac dans le Maryland, avec une avance de huit coups sur son dauphin. S’ensuivit sa victoire au British Open à Carnoustie en juillet, où il joua la dernière manche avec Tiger Woods, qu’il démolit proprement, tout comme McIlroy, Jordan Spieth et Justin Rose.
Vint ensuite la Ryder Cup, où il en enregistra quatre victoires en quatre matchs avec Tommy Fleetwood avant de battre Phil Mickelson en simple le dimanche pour assurer le point gagnant à l’Europe. Tous les héros ne portent pas de cape.
Molinari a conclu sa formidable saison en s’adjugeant la Race to Dubai et en étant sacré meilleur joueur européen. “Quand je repense à ma situation avant Wentworth, si quelqu’un m’avait dit que j’allais m’imposer là-bas, gagner sur le PGA Tour, remporter l’Open, et cinq points à la Ryder Cup, j’aurais probablement rigolé”, confie Molinari. “C’est au-delà de mes rêves les plus fous. Il y a des joueurs dont je pense qu’ils sont meilleurs que moi qui n’ont
jamais gagné de Majeur ou de Race to Dubai. Je n’arrive pas à croire que j’ai pu faire ces deux choses en une seule saison.”
Mais la vie sur le circuit n’a pas toujours été si facile pour l’Italien de 36 ans, actuel n°6 mondial, qui réside aujourd’hui à Londres. Il y a huit ans, il jouait aux côtés de son frère Edoardo dans l’équipe victorieuse de Ryder Cup menée par Colin Montgomerie, mais il était frustré. Désespéré de ne pas parvenir à monter en puissance, Molinaro ressentait, quand il jouait, une colère qui le freinait grandement.
“Je l’ai toujours connu avec cette colère négative”, explique Denis Pugh, le swing-coach de Molinari. “Entre 2004 et l’année dernière, sa colère était toujours tournée contre lui-même. Il n’était pas comme Monty, qui s’en prenait aux autres. Il ne s’en prenait qu’à lui-même. Mais aujourd’hui il a appris à transformer cette colère en une saine colère, positive et motivante. Il a toujours été perfectionniste et il a toujours eu tendance à être dur avec lui- même”, ajoute Pugh. “Mais il n’en laissait rien transparaître à
allait clore la saison, il revenait avec nous sur l’année la plus fructueuse de sa vie...
Vous avez tenu une réunion de crise avec votre équipe en mai après avoir manqué le cut au Players Championship. Quelles décisions vous ont aidé à changer le cours de votre saison ?
Je ne dirais pas que c’était une réunion de crise. Nous ne nous sommes pas hurlés dessus. C’était une simple discussion. Je voulais connaître le point de vue de tout le monde et élaborer un plan. J’avais le sentiment que mon jeu progressait, mais les résultats que j’espérais se faisaient attendre et c’était frustrant.
La semaine précédant le Players, j’ai très bien joué à Charlotte. Et au Players j’ai joué des parties d’entraînement qui sont parmi les meilleures que j’aie jouées. Mais tout s’est déréglé pendant le tournoi. Donc, cette réunion, c’était simplement pour parler de ce qui s’était passé et pour voir comment nous pouvions combler ce fossé entre mes capacités réelles et les résultats que j’enregistrais.
‘J’AI ÉTÉ PRIS DANS UN TOURBILLON CET ÉTÉ. JE N’AI PAS EU LE TEMPS DE PENSER À CE QUE J’AVAIS ACCOMPLI.’
part auprès de son cercle d’intimes.”
Le tournant eut lieu il y a trois ans en Afrique du Sud, où John McLaren caddeya exceptionnellement pour Molinari. Le chevronné Anglais, qui a travaillé avec Paul Casey et Luke Donald, vit que l’Italien n’exploitait pas tout son potentiel et eut le courage de le lui dire. “Il s’est montré très critique, mais d’une manière positive, à propos du potentiel de progression de Frankie”, se remémore Pugh. “C’est lui qui lui a suggéré de voir Dave Alred (coach de performance), qui avait aidé Luke à devenir n°1 mondial.”
Molinari réunit son équipe, fit les présentations avec Alred et exigea davantage de tous, y compris de lui-même. Le reste, comme on dit, fait partie de l’histoire.
Trois ans plus tard, et avant le DP World Tour Champion qui
Quelle influence a eu Dave Alred, votre coach de performance ?
Il a eu une grande influence sur moi mais aussi sur le reste de l’équipe. Il y a trois ans, nous en étions à chercher des moyens de progresser. Dave était notre maillon manquant. Il a une personnalité très différente des autres membres de l’équipe. Il nous a aidés à nous dépasser. C’est ce qui a fait toute la différence.
Ce qu’il fait est un mystère car c’est quelque chose qui est peu exploré dans le golf. Avant même de le rencontrer, nous avions le sentiment que la façon dont on envisage l’entraînement dans le golf est très unidimensionnel. Vous savez, on se penche au- dessus de la balle au practice ou au putting-green et on tape des coups encore et encore pour essayer de trouver quelque chose.
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fevrier 2019 | worldofgolf-fr.com 91