Page 89 - World of Golf
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  Patrick Reed est un idiot. Un méchant laisse transparaître. Mais c’est
idiot très talentueux mais un idiot quand même, et rien de ce que nous avons vu en 2018 ne dissipera cette opinion. Et alors ? On peut se moquer de Patrick Reed pour son
assurance, mais on ne peut l’ignorer. C’est un joueur de classe mondiale, et la Veste Verte qu’il a en sa possession le prouve. Mais il semblerait que la plupart des
gens – et même ses propres pairs – le détestent.
Il a été publié récemment un Top 30 des Joueurs Sympas du PGA Tour après avoir interrogés caddies, joueurs et officiels. Devinez quoi ? Reed n’en fait
pas partie. C’est le chétif et sirupeux Monsieur Parfait
qu’il a jeté sous le bus au
Golf National – Jordan
Spieth – qui en est le
numéro un. Bâillement.
Nous aurions préféré avoir
un Top 30 des Méchants. Reed en aurait occupé la première place.
Tout le monde connaît ses antécédents : sa vie de famille chaotique, sa “prise de bec” avec ses parents (pour reprendre l’expression de sa mère), les accusations de tricherie et de vol à l’université (réfutées) et ses difficultés à s’entendre avec autrui (d’après de nombreux témoins). Rappelez- vous des répercussions de la Ryder Cup, où Reed était prêt à “mettre le feu” à la salle d’équipe des Américains au lendemain de leur implosion. Mais le sport est un spectacle et non un concours de
popularité et le classement mondial n’est pas fondé sur la morale. Reed est un vrai
LE VILAIN
intéressant pour lui de passer pour le méchant, car c’est quelque chose qu’il peut exploiter à son avantage.” Pensez à John McEnroe. Quand on n’en a rien à faire des autres, on peut se montrer dur sur le terrain. Cela donne un personnage que les gens aiment détester. Succès assuré au box- office. Pugh raconte qu’un jour, alors que lui et Molinari étaient seuls dans un vestiaire du London Club, ils ont vu arriver Reed. Pugh lui a dit bonjour. Reed a levé les yeux vers lui et l’a snobé.
“Je me suis dit que ce n’était qu’un crétin malpoli”, se rappelle Pugh. “Il mérite sa réputation. Tout ce qu’on dit sur lui est
vrai. Ce n’est qu’un sale crétin.” Pugh n’a pas employé le mot “crétin”...
Toutefois, il fait une nette distinction entre la personne qu’est
Reed et le golfeur et le show-man. Et nous devrions nous aussi la faire. “C’est un joueur fantastique à voir et le fait qu’il soit le méchant est un plus”, confie Pugh. “Il sait qu’il est le mauvais garçon et que c’est ce qu’il incarne. C’est 100% authentique. Il est comme ça, c’est
tout.”
Alors, si vous assistez à un tournoi et
que Reed vous fait signe de vous taire, n’hésitez pas à le huer. Profitez de l’ambiance de cirque. Si vous êtes devant votre téléviseur, sortez le pop-corn, servez- vous un autre verre et participez au déferlement de cris indignés sur les réseaux sociaux. Que vous détestiez ou supportiez Reed, n’oubliez pas que ce sont les méchants de dessins animés qui font les gros titres.
Lâchez-vous sur Twitter, et si vous
HÉROS OU MÉCHANT ? NOUS AVONS UNE PRÉFÉRENCE.
personnage de dessin animé. Et tout le monde aime les dessins animés. Lâchons- lui un peu les baskets. Regardons et apprécions son numéro. Amusons-nous de ces moments il fait signe aux spectateurs de se taire. Tout cela fait partie du show. Si c’était un spectacle pour enfants, Reed serait l’une des “sœurs laides” de Cendrillon. Ce n’est pas le Far West, mais Reed préférerait probablement le personnage et le costume taillés par Denis Pugh, coach du vainqueur du British Open et héros de la Ryder Cup Francesco Molinari.
“Patrick Reed est le Cowboy au Chapeau Noir. Personne n’aime le Cowboy au Chapeau Noir, mais tout le monde veut voir ce qu’il va faire. Les méchants sont toujours plus intéressants que les anges”, analyse Pugh. “Et Reed se fiche complètement de ce que pensent les autres. C’est ce que son côté
2018 STARS DE L’ANNÉE
aspirez à une version encore plus détestable de Reed, il y a toujours cet autre golfeur américain et leader du gang des Chapeaux Noirs, Donald Trump. On peut porter tous les jugements que l’on veut sur Reed et Trump mais le fait est qu’on ne peut les ignorer.
Si vous trouvez que vous prenez trop plaisir à vous emporter contre eux (même s’il est vrai que la valeur du spectacle offert par Trump est tempérée par la certitude que, s’il détruit le monde, il n’y aura plus de golf), ne soyez pas trop dur envers vous- même. Comme Reed et Trump, personne n’est parfait. À l’exception de l’ancien capitaine de l’équipe de rugby australienne John Eales. C’était un si bon deuxième ligne que ses coéquipiers le surnommèrent Nobody parce que “Nobody is perfect”. Personne n’est parfait. Pas même Reed, et c’est tant mieux.
 fevrier 2019 | worldofgolf-fr.com 89




































































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