Page 87 - World of Golf N°185
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Si Phil Kenyon est l’un des meilleurs entraîneurs de golf, il est aussi l’un des moins connus. C’est en partie par choix, ce qui explique qu’on le voit si peu à la télévision, mais le fait qu’il soit un maître du putting, le secteur du jeu qui peine à déchaîner les passions chez les golfeurs, ne doit pas aider. Seuls les joueurs sérieux, admet-il, viennent le voir pour une leçon. Le reste d’entre nous sou re en silence.
C’est une attitude que Kenyon s’e orce de faire évoluer depuis qu’il a démarré dans la profession comme stagiaire auprès d’Harold Swash, le légendaire “Putting Doctor”. “J’étais son caméraman et je portais ses sacs”, raconte-t-il. À l’époque, Kenyon était golfeur professionnel et avait besoin d’un revenu complémentaire. Mais comme il peinait vraiment à gagner de l’argent sur le parcours, il abandonna les petits circuits pour rejoindre les bancs de l’université, où il décrocha un master en psychologie du sport. À l’aube de ses 30 ans, Kenyon revint à temps plein dans le coaching en tant qu’assistant de Swash. Il gravit les échelons et put ainsi faire son retour sur le circuit, où Pete Cowen le présenta à Henrik Stenson en 2008. Au bout de quelques jours à peine, il avait déjà un premier client prestigieux. D’autres joueurs le sollicitèrent et sa réputation ne tarda pas à s’étendre. Aujourd’hui, il est, pour certains des meilleurs joueurs du monde, l’expert incontournable du putting.
Justin Rose avait des tendances naturelles typiques de la plupart des joueurs de clubs.
Lorsque j’ai commencé à travailler avec lui au British Open 2016 à Troon, il jouait son coup en push et compensait en visant à gauche. C’était quelque chose qu’il avait du mal à gérer, donc nous avons fait en sorte que sa façon de contrôler la rotation de la tête du putter soit en phase avec son alignement et sa lecture des greens. Et surtout, je voulais l’aider à simpli er les choses, parce qu’il passait beaucoup de temps à travailler sa technique. Depuis, nous avons mis en place certaines méthodes pour introduire une part d’aléatoire dans ses séances et l’empêcher d’expérimenter trop de choses.
L’un des gros changements que nous avons opérés a consisté à changer la position du bras droit de Justin pour l’aider à mieux libérer la tête du putter.
Juste avant la Ryder Cup à Hazeltine, nous avons exploré di érentes techniques et testé di érents putters. Nous avons essayé le grip pince et les résultats se sont avérés exceptionnellement bons. Nous nous sommes retrouvés dans son atelier de golf par la suite pour discuter de l’opportunité de procéder à un changement immédiat. À l’époque, je lui ai dit qu’il fallait qu’il s’attende à très mal putter avec ce grip à la Ryder Cup et que s’il n’était pas prêt à ça,
“L’un des plus grands mythes que l’on entretient dans le golf dit qu’il faut accélérer à l’impact alors qu’en fait les joueurs les plus talentueux au putting ont tendance à décélérer un peu. ” PHIL KENYON
alors ce n’était pas le moment de faire ce changement. Il a choisi de ne pas le faire parce que cela aurait un trop grand changement et que, dans son contexte, il lui aurait été di cile de s’adapter parfaitement. Je pense que c’était une sage décision parce qu’il n’a pas très bien putté lors de la Ryder Cup, mais au moins nous avions un plan B tout prêt pour la suite. Heureusement, ce changement de grip l’a vraiment aidé à gérer certains aspects de son coup et de ses sensations. Si vous regardez ses statistiques dans la catégorie “coups gagnés au putting”, elles n’ont jamais été aussi bonnes. Il n’avait jamais fait partie du top 100 de cette statistique (sur le PGA Tour) et pourtant il a terminé la saison 2018 au 17e rang.
Le putting est un compartiment du jeu où l’on peut faire rapidement de grands progrès.
Quel que soit notre handicap ou notre classement, nous pouvons tous réussir à bien putter. Je ne réussirai jamais à driver la balle à 290 mètres, même si je travaille comme un fou à la salle de sport ou au practice. Je suis limité. Tandis qu’au putting, c’est moins un problème. Ce n’est pas comme si on avait besoin de grandes capacités physiques pour bien putter. Je donne des cours à des joueurs qui n’ont pas un grand niveau de golf mais qui puttent très bien. Je ne vois pas beaucoup de joueurs ayant un handicap de 20 ou de 10 driver comme DJ, mais j’en vois qui puttent mieux que certains golfeurs professionnels.
Ce qui fonctionne pour Rose ou Molinaro pourrait ne pas fonctionner pour vous.
La technologie montre que personne ne déplace la tête du putter de la même manière. Par conséquent, je ne pense pas que qu’on puisse prescrire une solution ou un grip qui vaillent pour tout le monde. Il s’agit plutôt d’avoir un placement de main en adéquation avec le coup que l’on fait. C’est un peu un casse-tête parce que ce n’est pas seulement le placement et la pression de la main qui jouent sur la séquence du poignet et l’orientation de la face du club mais aussi la position du bras et la position de l’épaule et du coude. C’est souvent di cile de régler ça tout seul, et c’est pourquoi il est si important de voir un pro pour se faire aider.
La plupart des golfeurs ne contrôlent pas très bien leur vitesse ou la longueur de leur swing et jouent tous les putts en se servant du même
backswing.
Toute variation de vitesse vient de l’accélération. L’un des plus grands mythes que l’on entretient dans le golf dit qu’il faut accélérer à l’impact alors qu’en fait les joueurs les plus talentueux au putting ont tendance à décélérer un peu. Méditez à ceci : on tape chaque putt avec le backswing; on ne tape pas un seul putt avec le follow-through.
Il n’y a pas de position d’adresse “académique”. Nous avons analysé la position de plus de cent golfeurs professionnels à l’aide d’une technologie 3D et pas un seul d’entre eux n’était square par rapport à la cible. En moyenne, l’alignement d’un golfeur professionnel est ouvert de 7° par rapport à la cible, et ce chi re peut monter jusqu’à 20°. Ce que je veux dire par là, c’est que leur position d’adresse sert l’e cacité de leur geste. Si vous coupez la balle et faites des pulls, avoir une position ouverte ne vous aidera pas. En travaillant à avoir une position d’adresse plus square, vous pourrez corriger cela. En revanche, si vous jouez en push et avait un chemin de swing intérieur-extérieur, une position d’adresse ouverte pourrait vous être utile.
Tout golfeur aurait intérêt à faire analyser son coup.
TrackMan a désormais une fonction d’analyse du putting, et il y a aussi Quintic Ball Roll et SAM PuttLab, donc beaucoup d’options s’o rent à vous. À Formby Hall, nous nous servons d’un système, GBD, qui analyse les mouvements du corps et du putter en 3D. Utilisées à bon escient, ces technologies peuvent vous aider à mieux comprendre ce que vous faites et à voir ce que vous devez améliorer. Mais en  n de compte, c’est au coach de déchi rer l’information et de vous dire ce qui est le mieux pour vous.
Le modèle du putter que vous jouez a son importance, mais je trouve que l’on insiste un peu trop là-dessus parfois. La plupart des joueurs ont un geste si irrégulier qu’un léger changement au niveau de la tête du putter n’aura aucune incidence sur leur coup. Les joueurs de bon niveau peuvent avoir davantage intérêt à s’intéresser aux di érentes formes de têtes et à leur incidence sur la vitesse de rotation, mais surtout ils doivent considérer leur longueur, leur lie et leur loft. Ces trois éléments ont une incidence sur la position d’adresse, qui a elle-même une incidence sur la technique.
janvier 2019 | worldofgolf-fr.com 87


































































































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