Page 67 - World of Golf N°184
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et de force. Comme toujours, il a une interprétation fascinante – et proprement originale – de sa maladie.
“Ça me fait penser à une expression que l’on emploie en économie”, explique-t-il. “Les trois choses les plus importantes
pour la prospérité à long terme sont la productivité, l’endettement à court terme et l’endettement à long terme. Mon état d’esprit, c’est l’équivalent de la productivité. Tant que je suis dans le bon état d’esprit, j’évolue dans un cycle de croissance. Ma forme actuelle, c’est mon endettement à court terme, et il est déterminé par les décisions que je prends. Puis il y a ma carrière (mon endettement) à long terme. De la manière dont je vois ça, j’avais eu dix belles années et la maladie n’a été qu’une sorte de récession, récession
choses se passent plutôt bien. Après avoir enchaîné deux victoires au British Masters et au Qatar Masters en début d’année, Pepperell a pu approvisionner de près de 2 M£ son compte en banque jadis en berne.
“Je n’ai jamais douté de ma capacité mentale à gagner”, insiste-t-il. “Pourquoi le devrais-je ? J’ai gagné chez les jeunes. J’ai gagné au niveau amateur. J’ai gagné sur le Challenge Tour. Je ne vais pas tout à coup me mettre à avoir peur de gagner parce que je suis sur l’European Tour. Ça me paraît absurde. Ça nécessite davantage de types de coups et une meilleure qualité de coups. Je peux toujours à atteindre ce niveau quand je ne suis pas sous pression. Mais ça me semble plus difficile d’y arriver quand je suis sous pression.”
Le jeu qu’il déploya à Walton Heath pour décrocher la plus belle victoire de sa carrière illustre assez mal cette dernière assertion. Pepperell, qui fit un trou-en-un le premier jour (la balle heurta le mât, rebondit puis revint tomber dans la coupelle) et réussit une approche rentrante pour eagle sur le par-4 du 10 le dernier jour, fit preuve d’un calme olympien pour repousser ses éminents poursuivants.
“Dès qu’il a viré en tête, Eddie a donné l’impression d’être à son aise”, rapporte Ewen Murray, commentateur sur Sky Sports.
“Il a mené le tournoi d’un bout à l’autre. Ce n’est pas facile à faire, surtout quand on n’est pas un professionnel aguerri. Et c’est très important qu’il se soit imposé à nouveau peu de temps après cette première victoire.”
“Son indépendance d’esprit s’est vue dans son jeu. Instinctivement, il a su quoi faire dans des conditions de jeu qui étaient loin d’être faciles. Il a raccourci son backswing et son follow-through. Je comprends pourquoi il se débrouille si bien sur les links.”
Toutefois, ce n’est pas au niveau du plein swing que Pepperell a fait le plus de progrès en 2018. C’est son tout nouveau savoir-faire au putting qui a surtout fait la différence. Affligé par son jeu sur les greens, Pepperell fit un arrêt sur sa route vers l’Open d’Écosse pour voir le spécialiste du putting Michael Kanski. Cette petite visite s’avéra très profitable, et elle le conduisit à faire cette déclaration improbable : “Homebase a sauvé ma carrière.” [Homebase est une chaîne de magasins britannique spécialisée dans les outils et matériaux pour la maison et le jardin, NdT]
“Je n’ai fait qu’un simple exercice depuis juillet”, explique Pepperell. “Je suis quelqu’un qui s’appuie totalement sur ses sensations au jeu long et cet exercice me donne exactement les mêmes sensations au putting. Tout ce que j’ai à faire, c’est de coller de la patafix bleue au bout de mon grip. Ensuite, j’enfonce un tee à l’horizontale dans la patafix de manière à ce qu’il soit perpendiculaire au grip et se retrouve entre mes poignets. En fait, il ne touche pas mes poignets, mais il est parfaitement centré entre eux les deux.”
“Ainsi, poursuit-il, si j’éloigne le club de la balle en tirant sur le manche, ce tee va venir appuyer contre l’intérieur de mon poignet gauche. L’idée est de conserver le petit espace entre le tee et mes poignets pour que je reste “connecté” tout au long de mon coup. En d’autres termes, la relation entre mes mains et le club est constante.”
En ce qui concerne l’avenir, on voit mal Pepperell suivre le chemin tout tracé qu’ont emprunté tant de grands joueurs européens jusqu’au PGA Tour. En tous cas pas à temps plein. Comme le fait remarquer Murray, “Eddie est la quintessence de l’Anglais”, il est heureux de passer le plus clair de son temps chez lui à promener son chien, un Braque hongrois à poil court baptisé Gus, qui est un peu devenu un personnage culte sur Twitter.
Néanmoins, les choses risquent d’être quelque peu différentes en 2019, tout du moins en matière de calendrier. Puisqu’il fait désormais partie des 50 meilleurs mondiaux, Pepperell bénéficiera d’une exemption pour les quatre tournois du Grand Chelem et pour toutes les épreuves du WGC. Ce qui ne devrait pas poser problème. Le petit gars d’Oxford qui a lu son premier livre à l’âge de 20 ans (une autobiographie du joueur de rugby Lawrence Dallaglio) s’est déjà illustré en Majeur. Il y a eu une 16e place à Erin Hills en 2017 pour son tout premier US Open. Puis une 6e place cette année au British Open de Carnoustie, où il aurait peut-être pu faire mieux s’il n’avait eu, comme il l’a admis, une légère gueule de bois pendant la dernière manche.
Mais, comme à l’accoutumée, Pepperell envisage déjà la suite sous tous les angles.
“J’ai une certaine appréhension quand je pense à l’année prochaine”, admet-il.
“Tout sera très nouveau pour moi. J’adore jouer les Majeurs mais ce n’est pas une mince affaire. Et c’est stressant. Et parfois c’est presque déplaisant tant il s’y passe de choses. Ce qui est triste dans un sens. Mais je dois gérer tout ça.”
“Mais j’ai quand même hâte d’y être”, poursuit-il.
“Je vais pouvoir gagner beaucoup plus d’argent. Ce qui est évidemment formidable. Mais le plus important, c’est que je vais avoir l’occasion de me confronter plus souvent aux tout meilleurs joueurs du monde. Je vais jouer les 4 WGC où il n’y a pas de cut, ça va me donner l’occasion de prendre mes marques dans ce genre d’évènements.”
Une dernière chose. Même si Pepperell a fait un premier pas pour intégrer l’establishment de l’European Tour (il est déjà devenu membre du comité des tournois du circuit), il y a peu de risques qu’un siège à la table des grands réfrène énormément ses instincts.
“Je ne veux pas faire partie de ces joueurs qui se plaignent sans savoir”, dit-il. “Je veux simplement savoir un peu plus ce qui se passe.”
C’est quelque chose qui ne changera jamais.
à laquelle il faut toujours s’attendre à terme. Je pense que je vais connaître autres périodes de récession avant la ma carrière. Je serais surpris qu’il ne m’arrive rien qui me fasse vivre un nouveau revers de fortune.”
long deux fin de
Au niveau amateur, il ne fallut pas attendre longtemps avant que Pepperell ne réalise ses premiers grands exploits. Il remporta le Welsh Strokeplay et le Portuguese Amateur. En outre, il est l’un des six joueurs de l’équipe d’Angleterre qui s’imposa en 2010 à l’European Amateur Team Championship. Lors de la finale contre la Suède, Pepperell, qui avait notamment pour coéquipiers Fleetwood, Chris Paisley et Tom Lewis, trois joueurs titrés sur l’European Tour en 2018, battit le futur joueur du PGA Tour David Lingmerth en simple.
À ce stade, il suivait parfaitement le plan, un plan largement forgé par son père, Ron. Après 25 années de carrière dans le secteur de la fabrication d’outils, le plus vieux des Pepperell lâcha tout pour prendre la gestion du club-house d’une équipe de football local puis celle d’un centre de practice, qui allait être l’endroit idéal pour que son jeune fils s’épanouisse en tant que joueur.
Ce qui ne veut pas dire qu’en dehors de l’expérience cauchemardesque que Pepperell vécut au Portugal – une expérience si douloureuse que lui et Jen, sa petite amie de longue date, fondirent en larmes une fois de retour à leur hôtel –, la vie fut un long fleuve tranquille pour lui. Après être passé pro en 2011, l’ancienne star amateur ne rencontra pas le succès espéré sur les petits circuits. Sa situation était si dramatique qu’avant sa victoire en France sur le Challenge Tour il était proche de la banqueroute.
“Cette victoire était très importante car elle allait me permettre de jouer sur le Challenge Tour pendant le reste de l’année”, analyse-t-il.
“Si je m’étais planté, j’aurais perdu tous mes sponsors. J’aurais dû demander à mes parents de m’aider et ils auraient dû se saigner aux quatre veines pour moi.”
Après ce succès opportun, Pepperell réussit à rejoindre l’European Tour en 2013. Et on peut dire qu’aujourd’hui les
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