Page 64 - World of Golf N°184
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Il a connu des hauts et des bas. Mais, rare. Quel que soit le secteur d’activités, être autre chose qqu’une simple épreuve
c’est dommage. Mais je ne cherche pas spécialement à être différent. J’essaie simplement d’être moi-même. Et ça détone dans un monde de conformisme. Curieusement, il y a peu de golfeurs qui sont dans la même optique.”
Sans surprise, le style de jeu de Pepperell reflète parfaitement sa personnalité. À bien des égards, il nous rappelle une époque où le golf de haut niveau était plus une forme d’art que le sujet d’étude scientifique qu’il est devenu au XXIe siècle. L’ancien joueur de Ryder Cup Andrew Coltart parle toujours en des termes élogieux de cette approche que Pepperell a jouée vers le premier trou à l’Open d’Écosse 2015 à Gullane.
avec deux victoires sur l’European Tour cette année, on peut dire qu’il est reparti dans la bonne direction. Ça n’a peut-être rien d’original. Eddie Pepperell est loin d’être le premier
golfeur professionnel à subir les inévitables fluctuations de forme inhérentes au fait de jouer à ce jeu furieusement difficile pour gagner sa vie. Mais là où ce jeune homme de 27 ans originaire d’Oxford s’écarte de la norme prudente qui caractérise la profession qu’il a choisie, c’est qu’il a partagé un nombre incalculables de détails sur son parcours mouvementé.
“J’aimerais vraiment comprendre pourquoi nous finissions tous par être victimes de notre propre succès”, dit-il.
“Il semble y avoir une tendance naturelle dans la nature et dans la vie qui fait que les choses fonctionnent par cycles. C’est presque inexorable. Et c’est presque toujours lié au comportement humain. Donc, il y aura toujours des phases de récession et des phases de croissance.
“
d’exécution de coups répétitive.
“Pour ce qui est de jouer le même coup
encore et encore, j’ai soit trop de talent, soit pas assez”, dit-il.
“Quoi qu’il en soit, je ne peux pas faire ça. J’aimerais pouvoir aller sur le parcours dans des conditions de rêve et jouer 25 coups sous le par. Mais je ne suis pas assez bon pour ça. Je le reconnais avec joie. Je n’ai pas ce qu’il faut au driving ou au putting. Mais je suis capable de jouer une grande variété de coups. Pour ce qui est des coups je suis très créatif. Je joue mieux par grand vent que la plupart des autres joueurs du circuit. Je sais m’adapter aux différentes conditions. C’est un talent.
Et mon talent.”
“Si vous regardez ma carrière, vous verrez que je me suis toujours mieux débrouillé sur les parcours difficiles, surtout quand il y fait du vent. Ce n’est pas parce que je joue mieux, c’est simplement parce que presque tous les autres jouent moins bien. Ce que je veux dire par là, c’est que mon jeu ne varie pas beaucoup. Qu’il fasse beau ou qu’il fasse mauvais, je peux faire le même score. Je joue de la même manière. Lorsqu’il y a beaucoup de vent et qu’il me faut faire voler la balle d’une certaine manière, je joue le coup que je jouerais s’il n’y avait pas de vent. Il y a peu de joueurs qui font ça. Mais c’est une habitude chez moi et ça me donne un petit avantage.”
Voilà pour les hauts, mais venons-en aux bas qu’il a connus. À la fin de l’année 2016, lorsque Pepperell arriva à l’Open du Portugal, il lui suffisait de franchir le cut pour conserver sa carte du Tour. Grâce à un premier tour en 64, il se retrouva à la deuxième place à l’issue de la première journée, mais, au cours de la deuxième manche, il rata tant de putts dans un rayon de moins de 3 mètres qu’il se retrouva dans l’obligation, au départ du 18, de faire le par pour atteindre son principal objectif de la semaine.
Son drive sortit hors limites. Pepperell manqua le cut. Et perdit sa carte du Tour... du moins brièvement, car il finit 5e de la Q-School suivante. Mais cette dernière mise en jeu lui donne encore des frissons aujourd’hui.
“Le pire moment, c’est quand je me suis mis à gamberger au sommet de mon swing”, dit-il.
“Je me rappelle très bien ce qui m’est passé par la tête à ce moment-là. J’étais littéralement terrorisé. Je savais que j’allais faire soit un hook soit un push. J’ai choisi le push. À ce moment-là mon swing s’était déréglé et c’était devenu mental.”
Pourtant, ce mauvais moment ne représente pas la pire période de sa vie. Le premier véritable revers de son existence, Pepperell le connut à 17 ans lorsqu’il contracta une mononucléose infectieuse. Il en ressent encore les symptômes aujourd’hui, surtout quand il est fatigué. Pendant un an, à la fin de son adolescence, il fut, selon ses propres termes, “hors d’usage”. Un jeune homme privé d’énergie
J’ai connu certains de mes échecs les plus cuisants juste après mes plus grands succès. Pourquoi ça ? Peut-être parce que je me repose sur mes lauriers et que je cesse de me concentrer sur l’essentiel. Et quand je suis au plus bas, je dois reconsidérer les choses et me remotiver. Et alors, je repars dans la bonne direction.”
Sur son blog (eddiepepperell@ wordpress.com) – où, dit-il, il écrit surtout quand il est dans le dur, quand il joue mal ou quand il a le temps de lire davantage – et sur son compte Twitter, souvent très drôle, Pepperell s’est révélé être un être rare dans l’océan d’uniformité qui a presque submergé le golf moderne. À l’instar de l’ancien vainqueur de l’US Open Geoff Ogilvy, c’est un esprit curieux et intéressant, désireux de s’exprimer sur des sujets autres que la vitesse des greens ou la longueur du pré-rough.
Pepperell n’a pas un jeu “solide”. Il ne cherche pas “simplement à prendre plaisir” sur le parcours. Et il n’est pas du genre à débiter des platitudes inutiles. Eddie n’aime résolument pas les clichés. En revanche, il n’est pas le dernier pour l’autodérision. Ce qui n’est guère surprenant de la part d’un garçon qui reçoit les conseils d’un certain Simon Shanks pour son swing. L’assistant de Shanks, soit dit en passant, s’appelle Matthew Hacking [shank = socket; au golf un “hacker” est un mauvais golfeur, NdT]
“Le problème, c’est qu’avec le temps les gens finiront inévitablement par découvrir que je ne suis pas si intéressant que ça”, dit Pepperell en souriant.
“Ce n’est qu’une image. Je ne sais même pas trop quoi en dire. Je suppose que c’est dû au fait que mes centres d’intérêt sont un peu différents de ceux de la plupart des golfeurs. Mais l’horrible vérité plane au- dessus de moi.”
“Je n’ai pas de modèles. Mais j’ai toujours été attiré par les gens qui sont vraiment eux-mêmes. Dans le monde où nous vivons, c’est une denrée de plus en plus
Je ne cherche
64 worldofgolf-fr.com | decembre 2018
pas spécialement
à être différent.
j’essaie
simplement d’être
moi-même.
Et ça détone dans
un monde de
conformisme.
Quelques instants après que son partenaire de jeu – un membre éminent de l’European Tour – se fut montré incapable de gérer le fort vent qui soufflait de droite à gauche, Pepperell frappa ce que le commentateur de Sky Sports appela “un coup de toute beauté” sous le vent.
“La balle d’Eddie n’est pas montée plus haut que 2 mètres, puis elle a roulé jusqu’au green et s’est arrêtée à environ 3 mètres du drapeau”, poursuit Coltart.
“Il a “visualisé” ce coup et il l’a joué à la perfection. C’est un coup que l’on voit rarement dans le golf professionnel aujourd’hui.”
Ainsi, d’une certaine manière, le golfeur qu’est Pepperell sur le parcours emprunte au style de vie qui est le sien hors du circuit. Il est hors de question pour lui de s’abrutir à force de jouer toujours le même coup. Pour son esprit créatif, ce jeu doit


































































































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